© Hof fan Lemmer

L’eau, clé d’un avenir circulaire

L’utilisation circulaire de l’eau est un élément essentiel pour créer des espaces extérieurs résistants au climat. Plus nous utilisons l’eau de manière intelligente, mieux nous résistons aux périodes de sécheresse et mieux nous sommes préparés aux caprices du climat. De la récupération des eaux de pluie aux circuits d’eaux grises et aux zones d’infiltration, inclure l’eau dans le design contribue à bâtir un avenir résilient et responsable. La mise en pratique de ce concept a été clairement expliquée lors du CG Concept Kennistheater (théâtre de la connaissance) organisé dans le cadre du salon ‘Meesters in de Tuin’, grâce à l’expertise de Wim Garmyn (Embuild Vlaanderen) et Sabine Stuiver (Hydraloop). Cet article a été rédigé sur la base de leurs réflexions.

Place au changement

Sécheresse prolongée, inondations, affaissement des sols et baisse du niveau des nappes phréatiques : les conséquences du changement climatique sont de plus en plus perceptibles. Dans le même temps, nos villes continuent de se densifier, intensifiant la pression sur les égouts et les infrastructures souterraines. La gestion classique de l’eau, basée sur une évacuation rapide, est insuffisante à une époque où chaque goutte compte. Malgré les nombreuses démarches déjà en place, nous devons encore accélérer la transition vers un aménagement plus respectueux de l’eau et plus résilient au changement climatique de nos espaces privés et (semi-)publics. Heureusement, le potentiel est énorme. Selon les chiffres de la Société flamande pour l’environnement (2000 à 2020), la consommation d’eau des ménages est constituée à 88 % d’eau du robinet potable, alors que cette qualité n’est pas nécessaire pour de nombreuses applications. Il est donc possible – et nécessaire – de faire une différence dans ce domaine. Les secteurs de l’environnement et de la construction jouent ici un rôle clé. Ils rassemblent la conception, la mise en œuvre et la gestion de l’eau sur le terrain, des jardins privés aux grands projets urbains. En améliorant la connexion entre les infrastructures bleues et vertes et en mettant en place une utilisation circulaire de l’eau au niveau des parcelles, ils contribuent à la transition vers une économie de l’eau circulaire, indispensable pour assurer la viabilité de notre environnement à long terme.

Hof fan Lemmer, une nouveau quartier durable où les économies d’eau potable sont un thème central.
© Hof fan Lemmer

Qu’est-ce que l’utilisation circulaire de l’eau ?

L’utilisation circulaire de l’eau consiste à gérer l’eau de manière intelligente et efficace tout au long de la chaîne de l’eau. Cela signifie : réduire la demande (reduce), réutiliser les flux d’eau (reuse), utiliser la bonne qualité d’eau au bon moment (recycle), restaurer et protéger les ressources naturelles (restore) et, dans la mesure du possible, récupérer les matières premières ou l’énergie (recover). Il s’agit d’une approche systémique qui repose sur le respect de la source et une compréhension approfondie de l’utilisation.

L’eau de pluie vaut de l’or…

Pour utiliser l’eau de manière durable, nous devons réfléchir à la source d’eau la mieux adaptée à chaque application. L’eau de pluie est une source relativement propre et douce qui convient parfaitement à toutes sortes d’applications ne nécessitant pas une qualité d’eau potable. Pensez à la chasse d’eau des toilettes, aux machines à laver, à l’arrosage des jardins ou au nettoyage des revêtements. L’eau de pluie peut aussi servir dans l’espace public, par exemple pour l’arrosage des espaces verts ou des terrains de sport. Pourtant, son potentiel est encore insuffisamment exploité.

« Aujourd’hui, l’eau de pluie est encore souvent évacuée rapidement via les gouttières et les égouts, alors qu’elle pourrait être collectée et utilisée localement. Retenir temporairement l’eau de pluie dans les jardins, les étangs, les toitures végétales ou les oueds aide à prévenir les inondations et crée une réserve pour les périodes plus sèches », explique Wim Garmyn. Ces systèmes tampons s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à gérer intelligemment l’eau plutôt que l’évacuer. « Nous ne devons pas seulement stocker l’eau de pluie pour soulager les égouts, mais aussi penser à l’infiltration et à l’utilisation locale. L’eau de pluie est trop précieuse pour être simplement évacuée. »

L’infiltration est donc également cruciale. En laissant l’eau de pluie s’infiltrer dans le sol, nous favorisons l’équilibre naturel et contribuons à la restauration du niveau des nappes phréatiques. Cela nécessite un espace suffisant dans le sol et une gestion réfléchie des pavages et revêtements. Dans un environnement où le pavage est prépondérant, l’eau ne peut pas s’évacuer. La débétonisation et la végétalisation permettent de rendre sa place à  ce processus naturel et l’eau peut alors atteindre efficacement le sol. Depuis le renforcement de l’ordonnance sur les eaux de pluie de 2023, la réutilisation est heureusement en progression. Les citernes pluviales sont désormais obligatoires pour les nouvelles constructions ou les reconstructions, mais aussi pour les rénovations et les extensions importantes. De plus, la capacité minimale de ces citernes a été augmentée, ce qui permet une réutilisation supplémentaire. Il existe toutefois des défis à relever. Dans les quartiers résidentiels densément peuplés avec de petites parcelles, il n’y a souvent pas assez d’espace pour la collecte, le stockage et la réutilisation individuelle. Selon M. Garmyn, une approche collective est donc essentielle. « En reliant la collecte des eaux de pluie des toitures privées aux revêtements publics, on crée davantage de possibilités et une gestion plus efficace », explique-t-il. Un tel système partagé est plus pratique, plus rentable et plus facile à entretenir à long terme. La reconversion d’une ancienne brasserie à Baasrode en est un bel exemple. Un projet résidentiel de 32 logements a été développé autour de 1 300 m² d’espaces verts collectifs, selon les plans du bureau BASIL Architecten. La gestion des eaux pluviales a été intégrée dès le départ, avec le stockage, l’infiltration et la réutilisation potentielle comme éléments structurels….

Reconversion d’une ancienne brasserie à Baasrode.
Architecte : BASIL architecten. Bureau d’études : BM engineering.
© bjornleus

… mais cela ne suffit pas

Garmyn souligne que l’utilisation intelligente des eaux pluviales est une première étape logique, mais qu’elle ne suffit pas. Les effets du changement climatique vont encore s’intensifier, avec des périodes de sécheresse plus longues et plus fréquentes. Les citernes d’eau pluviale se videront donc plus rapidement, alors que nos besoins en eau ne diminuent pas. Des règles encore plus strictes, avec des citernes de plus en plus grandes ou des installations plus complexes, ne sont pas réalistes ni abordables dans de nombreuses situations. Dans les logements compacts ou anciens, l’espace ou les infrastructures sont souvent insuffisants. « Nous devons voir plus loin stratégiquement. Quelles autres sources d’eau pouvons-nous exploiter ? Réutiliser l’eau qui a déjà été utilisée : c’est là que réside la véritable clé de l’utilisation circulaire. »

Utilisation intelligente des eaux grises : Hydraloop

Les eaux grises, eaux usées domestiques relativement propres provenant des douches, baignoires, machines à laver et lavabos, offrent un potentiel intéressant. La purifier et la réutiliser pour des applications qui ne nécessitent pas une qualité d’eau potable permet d’économiser l’eau même en dehors des périodes de pluie. « L’eau grise est une ressource oubliée », affirme Sabine Stuiver. « Avec la technologie adéquate, elle est parfaitement réutilisable. Sans danger, de manière automatique et sans produits chimiques. Ainsi, l’eau qui serait autrement perdue est réutilisée de manière fonctionnelle dans la maison. » Heureusement, les solutions circulaires pour l’eau ne sont pas une utopie. Les technologies existent et les connaissances sont là, mais leur application reste encore limitée. Les nouveaux systèmes d’économie et de réutilisation de l’eau ne sont utilisés que de manière sporadique, souvent uniquement lorsqu’ils sont obligatoires. Pourtant, il existe déjà des solutions pratiques prêtes à l’emploi. Comme Hydraloop.

« Hydraloop est un système compact de recyclage des eaux grises qui purifie l’eau de la douche, de la baignoire, du lavabo et (en option) de la machine à laver et la rend réutilisable », explique Stuiver. Le système fonctionne sans filtres ni produits chimiques, grâce à une combinaison de sédimentation, d’aération par bulles d’air et de désinfection par UV, entre autres. L’eau purifiée peut être utilisée pour la chasse d’eau des toilettes, l’irrigation du jardin, la machine à laver ou le remplissage d’une piscine. Hydraloop est certifié et surveille en permanence tous les processus internes. Cela garantit le bon fonctionnement et la sécurité du système, ainsi que la qualité de l’eau. De plus, Hydraloop nécessite peu d’entretien. Les systèmes sont disponibles en différents modèles, tels que le H300 pour les petites et moyennes habitations et le H600 pour les ménages plus importants ayant des besoins en eau plus élevés. Pour des applications plus importantes, des configurations en cascade sont également possibles, par exemple pour la collecte et la réutilisation collectives dans les hôtels, les résidences étudiantes ou les installations sportives. Le stockage joue un rôle important dans les systèmes d’eau de pluie et d’eaux grises et constitue souvent un défi. L’eau de pluie nécessite un espace tampon suffisant, ce qui n’est pas toujours possible dans des environnements très densément peuplés. Dans le cas des eaux grises traitées, la complexité réside ailleurs. En Flandre, des règles strictes s’appliquent : les eaux grises purifiées ne peuvent être rejetées dans les égouts (car elles sont trop propres) ni s’infiltrer dans le sol (car elles sont toujours considérées comme des eaux usées). De plus, le stockage ne peut être que temporaire, car l’eau purifiée stagnante peut être recontaminée. En Flandre, les systèmes doivent donc fonctionner à la demande, c’est-à-dire uniquement lorsqu’il y a une utilisation effective. Des systèmes tels que Hydraloop offrent une solution : l’eau grise traitée est régulièrement désinfectée afin de rester sûre et stable. « Hydraloop désinfecte l’eau traitée toutes les quatre heures », explique Sabine Stuiver. « Elle reste ainsi claire, propre et sûre, même si elle n’est pas utilisée immédiatement. »

Maison circulaire à Boskoop

La maison circulaire de la famille Rotteveel à Boskoop (Pays-Bas) est un exemple inspirant de la manière dont la réutilisation des eaux pluviales et grises dans une habitation privée permet de réaliser d’importantes économies d’eau. En 2023, un projet pilote a été lancé afin de combiner différents systèmes pour créer un circuit d’eau fermé. L’eau de pluie collectée sur le toit est stockée dans un réservoir souterrain dans le jardin, purifiée et utilisée pour la douche, la baignoire, les lavabos et le jardin. L’eau utilisée dans la baignoire et la douche est ensuite purifiée à nouveau par un système Hydraloop et réutilisée pour les toilettes et la machine à laver. Seule la cuisine est encore raccordée à l’eau potable standard. Le résultat ? Plus de 90 % d’économie d’eau potable et 40 % de déchets en moins. Avec ce projet pilote, la famille Rotteveel souhaite inspirer d’autres propriétaires, promoteurs immobiliers et autorités à contribuer eux aussi à la transition nécessaire dans le domaine de l’eau. Le système circulaire d’eau permet d’économiser l’eau, mais aussi de collecter l’eau de pluie au niveau local. Cela réduit la charge sur le réseau d’égouts en cas de fortes pluies et prévient les inondations. De plus, la maison sert de terrain d’essai : pendant dix ans, la qualité de l’eau, la consommation et le rendement seront surveillés afin de déterminer si ce type de système peut être utilisé à l’échelle du quartier à long terme.

La maison circulaire de la famille Rotteveel permet de réaliser d’importantes économies d’eau.
La maison circulaire de la famille Rotteveel permet de réaliser d’importantes économies d’eau.

Hof fan Lemmer

En Frise, la pensée circulaire est appliquée au niveau du quartier à Hof fan Lemmer, un nouveau quartier durable situé au bord des eaux libres du quartier De Brekken. Presque tous les terrains sont situés au bord d’une voie navigable et les économies d’eau potable sont un thème central. Toutes les maisons sont construites selon le principe « Water Recycle Ready », ce qui signifie que la réutilisation de l’eau est obligatoire pour le promoteur immobilier. Chaque propriétaire choisit lui-même un système de collecte des eaux de pluie ou un système de recyclage des eaux grises. Dans la conception urbanistique, un espace a été délibérément prévu pour le stockage des eaux de pluie, la débétonisation et les solutions adaptées au climat. La gestion de l’eau n’est pas ici un aspect technique secondaire, mais un élément structurel de la vision durable de l’habitat.

© Hof fan Lemmer

La législation comme levier

Bien que l’utilisation circulaire de l’eau soit de plus en plus reconnue comme une stratégie précieuse, les incitations concrètes de la part des pouvoirs publics se font encore attendre. En Flandre, l’accent est principalement mis sur le stockage de l’eau de pluie et le soulagement des égouts. Mais l’utilisation véritablement circulaire de l’eau, qui consiste à donner une seconde vie à l’eau déjà utilisée, reste négligée. Des applications telles que la chasse d’eau des toilettes ou l’irrigation des jardins avec de l’eau de pluie sont techniquement intéressantes, mais elles ne constituent pas des systèmes circulaires : l’eau est en effet utilisée pour la première fois. Ce n’est que lorsque nous purifions les eaux grises provenant de la douche ou du bain pour les réutiliser que nous pouvons parler d’un véritable cycle. Or, ce type de réutilisation ne bénéficie aujourd’hui que d’un soutien politique très limité, alors que d’autres mesures de construction durable donnent droit à des subventions. L’infiltration est également trop peu utilisée, alors qu’elle est cruciale pour la reconstitution des nappes phréatiques.

« Des obligations sont imposées en matière de citernes d’eau de pluie », note M. Garmyn, « mais il n’existe aucune incitation à une utilisation véritablement circulaire. » Stuiver ajoute : « Les autorités belges et néerlandaises exploitent trop peu l’expertise du secteur. Nous avons besoin de mesures concrètes : avantages fiscaux, réglementation adaptée, reconnaissance des technologies éprouvées. L’eau est précieuse, mais elle reste trop bon marché pour induire un véritable changement de comportement. »

L’aspect sécurité constitue encore un obstacle. « Les systèmes de récupération des eaux grises sont fiables, surveillés numériquement et sûrs à utiliser », souligne Stuiver. Nous devons abandonner l’idée que tout doit toujours être de qualité potable. L’eau doit simplement être « adaptée à l’usage prévu » et, bien sûr, respecter les normes de sécurité européennes strictes en matière de réutilisation de l’eau. » Mais les choses bougent. Aux Pays-Bas, l’objectif national est de réduire la consommation d’eau de 20 % d’ici 2035. En Flandre également, on prend conscience que l’infrastructure classique ne peut plus tout résoudre. Cela nécessite une collaboration accrue entre les concepteurs, les constructeurs, les décideurs politiques et les citoyens.

En savoir plus ?

Vous souhaitez vous lancer dans la conception économe en eau ? Vous trouverez plus d’informations sur les systèmes d’eaux grises sur www.hydraloop.com.

© Hof fan Lemmer

Texte : Rosalie Magriet