Le Livre de la Semaine / Jardins de sagesse en Chine et au Japon

Issus d’une histoire commune, les jardins chinois et japonais traditionnels, monde enclos par un mur, sont lieux de paradoxes. Aux visiteurs qu’ils préparent à s’extraire des contraintes quotidiennes, à transcender leur finitude «en se reliant à l’ordre des mutations du cosmos » pour accéder à « l’immortalité », ils rappellent, par leur symbolique, l’« impermanence », concept phare du bouddhisme, le changement perpétuel et l’illusion de l’identité. Composés d’éléments naturels hautement codifiés où prédominent les roches, les arbres ainsi que les kiosques, chaumières ou pavillons, ces jardins, par le cheminement qu’ils offrent mais aussi par les rituels auxquels ils se prêtent, incarnent un parcours de vie, une quête initiatique. Cultivée à l’origine par les lettrés chinois et japonais, cette quête se fonde sur la pratique des arts et des activités dont ces jardins étaient le théâtre, tel le soin aux arbres, mais aussi la peinture, la calligraphie, la poésie, la musique, l’arrangement floral ou la voie du thé. Lieux par excellence de l’érémitisme, ces jardins consacrent alors l’intégrité spirituelle des lettrés qui s’y tiennent en retrait de la société et des charges d’un « pouvoir mondain » jugé compromettant. Dans les pages de cet essai à l’iconographie aussi précise que soignée où se croisent vues actuelles et peintures traditionnelles, Yolaine Escande convie le lecteur à un « parcours immobile » au travers d’une nature ordonnée et figée, et au plus près d’une éthique qui se traduit dans une esthétique du naturel, de la simplicité, de l’imperfection, de l’incomplétude, voire de la laideur…

Yolaine Escande, sinologue, calligraphe, est directrice de recherche au CNRS et au CRAL, Centre de recherches sur les arts et le langage (Ecole des hautes Etudes).

• Yolaine Escande. Jardins de sagesse en Chine et au Japon. Seuil, 2013.

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