Un nouveau paysage énergétique pour la centrale hydroélectrique de Hagneck

Le bureau suisse Raymond Vogel Landschaften AG a conçu un tout nouveau paysage énergétique pour le barrage et la centrale hydroélectrique de Hagneck, nouvellement aménagés près du lac de Bienne, en Suisse. La Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage a décerné à ce projet le prix du Paysage de l’année 2017.

 

Le jury considère le paysage énergétique de Hagneck comme « un modèle de coexistence harmonieuse entre une infrastructure et une exploitation intensive, d’une part, et le respect pour l’environnement et les valeurs paysagères et écologiques, d’autre part ».

 

La première centrale hydroélectrique

Long de 8 km, le canal reliant Aarberg à Hagneck a été creusé il y a 130 ans dans le but de réguler le débit d’eau de l’Aar et faire ainsi baisser le niveau d’eau du lac de Bienne. Ce détournement de l’Aar poursuivait un double objectif : protéger les terres agricoles fertiles de l’arrondissement de Seeland, dans le canton de Berne, contre les inondations annuelles récurrentes au printemps lorsque l’eau de la fonte des neiges dévalait en masse du Jura et gagner des terres fertiles dans le delta du fleuve.

Ces travaux d’infrastructure ont débouché sur la création, au fil des années, d’un delta de rivière à haute valeur paysagère et écologique, séparé du trafic et des habitations, ainsi qu’une importante zone de protection des oiseaux.

 

Impact visuel

Ces dernières années, une nouvelle centrale hydroélectrique a été construite. Dans ce cadre, on a accordé dès le début une grande attention à l’implantation paysagère de l’infrastructure dans l’environnement de valeur et à ses conséquences écologiques.

Afin de réduire le plus possible l’impact visuel de la construction, la centrale et le barrage ont été intégrés au maximum dans le paysage, tandis que la voie d’accès a été aménagée de manière à évoluer le long de la centrale. Les grandes fenêtres de la centrale qui donnent sur le lac renvoient à l’ancienne centrale qui bénéficie d’une protection en tant que monument.

Lors de la construction de la centrale et des voies d’accès, on a fait un usage maximal de la chaux jaune locale et un mélange de béton spécial de la même couleur a été mis au point.

 

Parc paysager

Une partie importante des travaux d’infrastructure concernait l’agencement des environs et la préservation, voire le renforcement, des valeurs paysagères et naturelles du delta fluvial et des rives du lac.

L’idée d’un parc paysager est née d’une lecture soigneuse de la topographie et d’une analyse détaillée des valeurs paysagères et naturelles, explique l’architecte-paysagiste Raymond Vogel. Le but était de créer autour de la centrale un nouveau paysage naturel qui devait établir un lien entre l’ancien et le nouveau ainsi qu’entre l’infrastructure en béton et l’environnement naturel précieux. La demande d’ouverture à des fins récréatives a ainsi pu être réconciliée avec le souci de conservation et de réhabilitation du milieu naturel.

Entre l’ancienne centrale hydroélectrique et la nouvelle, un plateau judicieusement modélisé, une « prairie sèche », a été aménagé avec quelques chênes et des ormes isolés qui accentuent le relief tout en projetant de l’ombre. Ce paysage surélevé a une vocation récréative « douce » à la limite entre l’« infrastructure » et la « nature » et offre de somptueux points de vue sur le lac, sur l’ancienne centrale hydroélectrique ainsi que la nouvelle et sur les zones naturelles qui longent les berges du canal et les rives du lac. Un sentier en pierre naturelle amène les visiteurs jusqu’à la limite de la zone récréative où ils jouissent, d’un côté, d’une vue sur l’eau du canal baignant la nouvelle centrale hydroélectrique et sur le grand lac de Bienne et de l’autre du delta, d’une nature « vierge » inaccessible gentiment traversée par de paisibles ruisseaux et ponctuée de petits lacs tranquilles bordés de roseraies et de bois.

Le spectacle qui en ressort est captivant. Il est formé par la succession d’un paysage culturel fortement modélisé et exploité et d’un paysage naturel extensif qui n’est pas accessible, mais peut être observé et vécu.

Migration des poissons

Un autre enjeu majeur du projet sur le plan écologique était la préservation de la migration du poisson entre le lac de Bienne et l’Aar. Deux canaux semi-naturels de 5 m de large ont été aménagés autour de la « prairie sèche » entre l’ancienne centrale hydroélectrique et la nouvelle. Ils sont dotés de débits d’attraction variables et de chutes d’eau qui canalisent les poissons dans la « bonne » direction. De la pierre naturelle locale a été utilisée à cette fin.

Les mesures écologiques représentent 10 % du coût total d’investissement de 150 millions CHF (environ 140 millions d’euros).

Exemple

Selon l’architecte-paysagiste Raymond Vogel, « il s’agit du premier exemple, en Suisse, de la façon dont un projet d’infrastructure à grande échelle peut être utilisé pour réunir la nature et le paysage de façon harmonieuse en un parc paysager récréatif. En ce sens, il s’agit d’un exemple pour de futurs projets paysagers dans des zones densément peuplées. Il n’existe plus de séparation entre l’homme et la nature ; l’homme fait partie du monde naturel. Le respect de la nature est ainsi un sous-ensemble normal complet du comportement humain ».

Photos : Raymond Vogel Landschaften AG, Zürich / Bielerseekraftwerke

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